Thé CCLXIX
Mal de tête au réveil.
J’ai bien eu l’idée de séparer le mal de la tête, au lit, mais j’ai craint de me troubler et d’y laisser la tête.
Quoique ?
A la réflexion, j’aurais pu conserver le mal et confier la tête à la chaleur de la couette.
J’étais assuré de retrouver la tête à mon retour.
Pour l’usage que j’en fais, une photocopie suffirait amplement.
D’ailleurs, je devrais un matin tenter l’expérience.
— “Oh ! Le petit Papistache a une bien mauvaise mine ce matin ! Vous ne croyez pas, Monsieur Patapin ?
— Oui, Madame Yvonne, une mine de papier mâché.
— Moi, je ne pense pas comme vous ! Il a un bon teint. Je le trouve même plutôt à mon goût.
— Oh ! Vous ! Madame Patapin ! On connaît votre penchant pour les pâtes pas trop cuites.
— Que voulez-vous insinuer, madame Yvonne ?
— Je ne dis pas ça pour vous, Monsieur Patapin !”
Quant au mal, embrouillé comme je suis, je l’aurais volontiers emporté au travail et là-bas, mille occasions de le perdre se seraient manifestées dans la journée.
Hier, j’ai bien perdu...
je ne sais plus...
où en étais-je ?
Ah oui ! Je dois assumer mon choix.
J’ai conservé les deux, la tête et le mal.
Mal de tête si présent, que j’ai dû renoncer à tartiner mes petits pains grillés. Je n’aurais pas su trouver le bon côté où déposer la confiture. J’ai préféré rationaliser le petit déjeuner.
J’ai tout mis ensemble dans le bol : eau, thé, confiture, pain grillé, citron, sachet, cuillère, miettes. Trois minutes au four à micro-ondes et laisser infuser un quart d’heure.
Epouse-Enfin-Pesée-Lavée-Parfumée a tout jeté sans y goûter. Pourtant je n’avais pas oublié le citron : on ne voyait que lui, à la surface du nectar.
Non, sérieusement, j’ai si mal que je serais bien incapable de démontrer le rôle du zéro, dans la numération, à un littéraire. Je ne comprends même plus le système d’ouverture d’un paquet de mouchoirs en papier.
La sagesse voudrait que je retourne au lit, mais elle a quitté la maison depuis belle lurette et l’escalier présenterait trop de dangers.
Epouse-Organisée m’a tendu un comprimé dragéifié. Je l’ai regardé. Ça allait déjà mieux.
— "Avale-le", m’a-t-elle suggéré.
Dans les coups durs, elle trouve toujours les gestes qui sauvent. Vous y auriez pensé vous ?
Dès la troisième tentative, j’ai réussi à ingérer la pastille. Ça allait encore mieux.
— "Attends un quart d’heure et tes idées redeviendront claires !"
Excellent, vingt-cinq ans que j’attends ce moment !
— "Bois ce thé chaud. Tu es tout pâle, ça va te réchauffer !
— Comment t’y es-tu prise ?
— Pour ?
— Pour préparer cette infusion ?
— Bois, tu ne comprendrais pas."
Mon épouse possède des ressources insoupçonnées.
Je devrais avoir plus souvent mal à la tête.
Ah ! Ah ! Les idées reviennent, c’est bon signe !
— "Signe, qu’il est temps de monter dans la voiture !
— Tu écoutes mes pensées maintenant ?
— J’ai vu friser tes moustaches !"
Ach ! Trahi par celles qu’on aime !