Thé CCCLIX
Le billet du jour arrive à petits pas. Désolé pour les lève-tôt, les fidèles de 6 h 01.
Le voici, posté à 07 h 07 :
Le réveil a sonné comme si le travail nous appelait.
D’ailleurs une mission nous appelle.
Pas celle des matins ordinaires !
Une autre !
Neuf !
2×9
18
Épouse-Régénérée est sous la douche.
Toutes les chambres sont pleines.
La maisonnée dort encore.
Pour longtemps.
Mowgli est trop jeune pour que la fièvre du jour le pousse hors du lit à des heures insolites.
Les autres invités dorment du sommeil profond de ceux qui se sont couchés tard.
Le souffle de l’ordinateur ne réveille personne, pourtant je l’entends comme jamais.
Est-il possible qu’il ventile tant chaque matin ?
C’est qu’il n’a, alors, personne à tirer du lit.
Mais, rien ne bruit, hors lui !
J’aime piloter la maison quand tout le monde y dort.
Je conduis.
Laissez-moi conduire !
— "Garde le volant !"
Qui me le disputerait ?
A bon port !
2×9 = 18
Dix-huit personnes à recevoir.
Tout sera prêt !
Pourvu que...
Hier, à la demande générale et pour respecter la tradition, les bûches ont ardé dans la cheminée.
Pourtant...
hier, seul, dehors, le long vieillard fendait du petit bois. Personne ne s’est aperçu que son absence se prolongeait hors des délais acceptables ; ou alors chacun s’est tu, ne s’empêchant de penser : “Papa n’est plus aussi performant qu’autrefois, il est bien long pour remplir son panier ; l’an prochain il lui faudra s’y prendre à l’avance, lui qui n’a jamais su anticiper.” Personne n’a songé à enfiler sa pelisse pour lui proposer l’aide qui l‘humilierait. Il est le maître de l’allumette. Mowgli, quand son âge viendra, héritera-t-il du flambeau ? Quelle sera la fierté de ce petit homme ? Porter le feu à ses pairs ?
Une demi-heure !
Une demi-heure, pour ôter la hache de la bûche torse dans laquelle, d’un coup de reins vigoureux, l’ami des thés noirs de Chine l’avait plantée.
Échec ?
Non !
Erreur !
Le bois se fend au merlin, pas à la hache, trop fine.
Heureusement que personne n’est venu à sa rencontre.
Sa réputation de pilote en aurait pris un coup.
Humiliante lutte contre l’outil profondément enfoncé dans la bûche récalcitrante.
Vaine lutte.
Épuisante lutte.
L’ancêtre a fini par vaincre.
La flambée lui a paru plus joyeuse qu’aux autres.
Ils n’ont vu que des éclats de chêne dispensant chaleur et lumière quand c’était la couronne des lauriers des vainqueurs qui irradiait dans la cheminée.
Sa couronne.
Ma couronne.
Hier !
Aujourd’hui ?
Épouse-Régénérée est sortie de la douche.
Retard à l’écriture augure-t-il de complications ?
La hache (trop fine) troquée contre le tablier.
A la cuisine, que pourrait-il arriver au pâle héros ?
S’il se garde de trop approcher la lame affûtée du long couteau effilé, il s’épargnera peut-être une amputation préjudiciable à l’ambiance ?
Mais...
c’est lui qui a voulu ce menu et...
à la cuisine, il ne sera pas seul...
alors, pas question de ficher la lame dans l’escalope et de l’y laisser trente minutes sans que personne ne le remarque.
Épouse-Ignorante-Des-Dangers-Encourus-Hier a posé, à ma main droite, le bol fumant.
La maison dort encore.
Pour longtemps.
Lutin-Chauve et Lutine-Bouclée (ai-je dit qu’Elle était bouclée ?) vont œuvrer en catimini pour leurs invités.
Il est plus que temps que le souffle de l’ordinateur se calme.
Il empêche de percevoir le pouls des hôtes du lieu.
Noël !
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