Thé CCCXXV
Infidèle !
Infidèle ?
Lui ? Elle ?
Lui !
Elle ?
Elle est fidèle !
Quelle infidélité ?
Bonne question !
Pas de confession intime.
Trois cent vingt-cinq billets à dissimuler son âge, sa profession, ses occupations, sa famille, ses proches et, parce qu’il a fait froid mardi, que la pluie — hostile et pénétrante — a doublé le poids du blouson traversé, il épancherait son âme ?
Un chocolat chaud !
Il a pris un chocolat chaud !
Pas un viandox !
Pas un café ! Pouah !
Pas d’alcool ! Infidèle certes, mais pratiquant !
Pas un bouillon de légumes !
Pas un vin aux épices !
Un chocolat chaud !
Faire fondre une barre de chocolat noir à feu doux avec une cuillerée d’eau, ajouter un demi-verre de lait — demi-écrémé, il ne reste que celui-là dans la réserve déménagée sous l’escalier — et fouetter pour rendre le mélange mousseux, tout en ajoutant progressivement du lait en quantité nécessaire — pour le chocolat chaud seul convient le mug XXXL — et continuer à battre au fouet.
Ajouter une cuillerée virtuelle de crème de lait épaisse — virtuelle, car la cuisine à l’huile d’olive a chassé du réfrigérateur toute concurrence lactée depuis belle lurette — et imaginer l’onctuosité acquise par cet ajout de dernière minute.
S’asseoir près de la cheminée éteinte
et
imaginer que petit bois et bûches
se seraient installées pendant la confection du breuvage
et
qu’une allumette autonome aurait provoqué l’incandescence.
Boire le chocolat très-chaud en se concentrant sur son trajet à l‘intérieur du corps maigre et grelotant.
Demander au liquide d’irradier vers tous les organes intérieurs réfrigérés.
Etre attentif à la progression de l’élixir et sentir la chaleur reconquérir les territoires abandonnés.
Lire son avenir dans les marques laissées par le chocolat au fond du vase — mug XXXL — et s’attendrir de percevoir dans les marbrures indomptées, qu’en guise de clin d’œil le hasard a laissées, le col élégant de la théière délaissée comme pour pardonner l’incartade.
Au soir, après de longues heures, sentir encore ses articulations gourdes du froid amassé au plus profond de sa carcasse.
Etirer ses doigts pour en éprouver la mobilité et, avec lenteur, jeter sur l’écran le brouillon de la chronique qui portera, en dépit du caprice, le titre usurpé : "Thé CCCXXV".