Thé CCLXXXI
Les volutes qui s’échappent du bol me ramènent à la sortie dominicale.
Un orvet.
Pas lové.
En travers du chemin.
J’aurais pu rouler dessus.
Il aurait souffert.
Je n’allais pas vite.
Le chemin était pentu.
L’orvet, pas lové, glissait à pas lents.
A pas lents ?
Un orvet, même pas lové, voilà qui serait curieux.
Petit, n’avais-je pas appris que l’orvet gardait des pattes atrophiées, sous son long corps filiforme ?
Je n’en avais pas vu depuis très longtemps.
Je ne pense pas en avoir montré, une fois, aux filles. C’est dire !
Le chemin montait.
Je pédalais.
Epouse-Aux-Mollets-Fermes me précédait.
L’orvet traversait le chemin, lentement.
A propos, ai-je dit que j’étais tombé de vélo ?
Je n’avais pas chuté depuis très longtemps.
Je ne pense pas l’avoir fait en présence des filles. C’est dire !
Je roulais lentement.
Dans une ornière.
Epouse-Aux-Mollets-Fermes me précédait.
Je devrais tomber plus souvent.
Pourquoi me suis-je montré si prudent toute ma vie alors qu’il est si facile de se relever ?
Et alors ?
Même pas mal !
C’est l’orvet qui a été surpris.
Un cycliste à lunettes à portée de langue fourchue !
— “Une chute. Un orvet. Voilà qui signe une sortie exceptionnelle. Rien d’autre ?
— Eh, bien. J’hésite parce que c’est illégal !
— Si un policier a, par hasard, commencé la lecture de ton billet sache qu’il s’est assoupi depuis longtemps.
— J’ai emprunté un sens interdit, sur quarante mètres, avec mon vélo, en roulant à gauche et en danseuse.
— Waooh ! Et tu appelles cela une existence prudente ?”
C’est une réflexion pleine de bon sens.
Je devrais penser un peu à m’assagir.
Un V.T.T. avec airbags, ça doit bien exister quelque part ?