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365 chroniques ridées depuis un bol de thé amer
5 septembre 2007

Thé CCXLVIII

                Les barillets sont neufs.
                Ne sortez pas les pistolets !
                Les clés ont été changées.
                Plus d’intrusion à craindre.

                Le bloc-notes redevient sage.

Le vieux monsieur se lève en geignant. Pendant que son épouse se douche en espérant qu’une fois sèche, la balance lui dira qu’elle est toujours la plus belle, il descend l’escalier branlant en tenant fermement la rampe qui godille. Le vide l’attire, un jour il chutera.

Dans la cuisine, il tourne le robinet qui goutte et remplit la bouilloire qui fuit un peu. Pendant que l’eau chauffe, il dresse la table, va feuilleter un magazine périmé aux toilettes, se lave les mains et constate qu’il a oublié de tourner l’interrupteur de la plaque électrique. Il jure et peste contre le retard qu’il s’inflige et s’auto-punit en tartinant le dessous de sa tranche de pain, si carbonisée qu’il a dû la gratter, au-dessus de l’évier bouché, où s’empile la vaisselle des jours précédents.

2007 est son année de vaisselle !

La confiture, sujette à l’attraction gravitationnelle de la terre, ravie de l’aubaine s’arrête au contact du carrelage. Petite course d’un mètre, bien la peine d’étaler sa science pour une si courte distance.

Le vieux monsieur jette un sachet de thé bon marché dans les deux bols, manque le premier et répand une partie du contenu du second sur la table, détrempant au passage les biscottes sans sel de son épouse contrariée par la mauvaise foi de sa balance. Une ingrate, achetée à prix d’or au Prikigrimp’ du quartier, incapable de se plier à la moindre concession.

La vieille dame grincheuse imprime les dessins de la semelle de ses charentaises dans la confiture et s’irrite en songeant que 2007 est son année d’entretien du carrelage.

Muets, tous les deux, ils avalent leur thé, elle en silence et lui à grands renfort de bruitages odysséens.

La pendule, inflexible, les rappelle à l’ordre et les informe qu’ils seront considérés comme indésirables entre les murs de la masure de 7 h 30  à 17 h 30.

D’un pas lourd et collant pour l’une, ils se dirigent vers le garage resté grand ouvert toute la nuit et véhiculent leurs cellules épuisées vers le banc de forçats où la nécessité les a cloués pour l’éternité.


Ils effectuent un tour du pâté de maisons pour revenir fermer le portail avant de s’élancer sur les froides routes du département où la brume qui s’élève leur cachera l’existence du soleil. Ainsi, arrivés une heure en avance sur leur lieu de douleur, ils se maudiront, comme chaque matin, pendant soixante minutes en s’accusant mutuellement de n’avoir jamais réussi à comprendre le fonctionnement du nouveau réveil ce qui les oblige à ne se fier qu’à la pendule de la cuisine, rescapée des années fastes, dont il a fallu, jadis, vendre la petite aiguille pour payer les études des enfants.

— Si tu savais régler ce radio-réveil, j’aurais pu trouver le temps de quitter mes charentaises, maugrée la vieille dame pendant que son chétif époux peine à nouer les bretelles de son pantalon qui tire-bouchonne sur ses chevilles grêles.

Quelques coups de klaxons ironiques, chichement distribués, viendront saluer les deux vieillards occupés à remplir, au bord de la départementale leur remorque d’herbe à lapins dont ils tireront trois sous sur les marchés des environs.


A la réflexion, je me demande si la vérité, nue dans son authenticité, drainera autant de lectrices que l’artifice ?

— Epouse-Emue-Aux-Larmes-Au-Sortir-De-La-Douche, j’ai besoin de ton conseil avisé.
— J’ai perdu deux cents grammes ! J’ai perdu deux cents grammes !
— Joli coup ! Mais, voudrais-tu lire ma chronique du jour. J’ai peur d’en avoir trop fait !
— T’ai-je dit que j’avais perdu deux cents grammes !
— J’admire l’exploit ! Mais, ma chronique ? Ne suis-je pas passé à côté, ce matin ?
— Te rends-tu compte ? J’ai perdu deux cents grammes ! Sans me priver ! Rien que par la volonté !
— C’est très beau ! Mais ? Juste un œil sur mon billet ! Ton avis m’importe tant !
— Je n’en reviens pas ! J’ai perdu deux cents grammes ! Mais quel est ce bazar dans la cuisine ? Où as-tu déniché des biscottes ? Trempées, de plus !
— Madame Yvonne me les a prêtées hier soir pour une mise en scène réaliste dont l’idée m’est venue en cueillant des glaîtrons pour les lapins.
— Foin de glaîtrons et de biscottes ! Deux cents grammes, ça laisse la place à un croissant au beurre. Tiens, prends cent sous et cours chez Mme Patapin ! Elle est revenue de vacances aussi blanche que feu notre automobile.
— Ma ...
— Je m’en charge. Si elle est à mon goût, je la poste. Sinon, tes lectrices n’auront qu’à en faire réchauffer quelques vieilles. Tes chroniques sont de ce siècle, elles supporteront bien les micro-ondes ?

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Commentaires
V
Cette chronique elle est marrante.<br /> Ok, les autres aussi!<br /> Le contraste.. je l'aime beaucoup le contraste entre les 2 parties!!!<br /> <br /> Une 1ere partie avec un style que je ne vous connaissais pas...c'est vraiment drôle! Fallait le faire... <br /> et une deuxième plus classique... mais amusante. <br /> Et puis quelle lectrice ne se reconnait pas en Epouse-émue-aux-larmes?
P
De nombreuses influences se décèlent dans ces billets. Ils sont décédés tous mes maîtres ; mes racines, encore un peu vives, s'enfoncent dans un terroir qu'ils ont nourri de leurs œuvres.<br /> <br /> Celui-là aussi bien sûr, il écrivait sous divers pseudonymes. <br /> <br /> Mes écrits ne sont que quelques odeurs qui s'échappent du pot dans lequel cuisent à petit feu toutes ces lectures rassemblées au fil des ans. <br /> <br /> Tant mieux si le fumet plaît à quelques unes. Peut-être retrouvent-elles les ingrédients qui mijotent dans leur propre marmite ?
C
En lisant, un nom me vient à l'esprit, mais si je le prononce ici on risque de me soupçonner de basse flaterie...
P
Casa : Pas lieu de douleur quand même ! Si Tilu vous entend elle va se retourner dans son dortoir !<br /> <br /> Tilu, je ne voudrais pas vous rendre malade. Ou bien est-ce l'herbe à lapins qui passe mal ?<br /> <br /> Claire, vos clins d'œil valent les klaxons ironiques.<br /> <br /> Val, ce n'est que du vécu, pur jus, à peine, mais vraiment, à peine, reconstruit.<br /> <br /> Ondine, faites-en deux. La prochaine fois que mon jogging me conduit au Québec, j'entre sans frapper.<br /> <br /> Chiara, vous me laissez quand même 118 occasions de bousculer le top ten. Mais, supporterais-je la pression ? Mes artères ? Y avez-vous songé ? Remarquez, une chronique sur le petit déj. des urgences, ça devrait pouvoir trouver sa place dans ces pages ridées. Non ?<br /> <br /> A toutes, honnêtement, qu'est-ce qu'elle de plus cette chronique ? Je suis mauvais juge. J'aime tous mes enfants. Les chroniques dont je doute sont souvent les plus appréciées. Aimeriez-vous que je doute plus souvent ? J'ai peur d'être bien falot dans les jours qui suivent.<br /> — Ah ! Voyez, déjà il tremble !<br /> Alsheimer et Parkinson sont dans un bateau...
C
AH je crois que ce billet-là sera l'un de mes favoris – pour longtemps ? Ha ha la balle est dans votre camp Papistache, détrônez celui-ci de ma liste ! Oui, c'est un défi !
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