Thé CLXXXIII
Je lève le nez du bol et, par la fenêtre, je suis le vol indécis du chardonneret.
Par la fenêtre !
En juillet !
Même matutinal, le petit déjeuner devrait être pris à l’extérieur en cette saison. Je me crois revenu quinze ans en arrière, quand nous attendions une éclaircie pour partir au bord de la mer.
Oui, une éclaircie ! car nous partions à vélo. Sans le soutien logistique d’aucune automobile suiveuse. Tous les cinq, à vélo ! Grisette la plus jeune avait dix ans, Pâquerette douze et Rosette treize.
Nous attendions une éclaircie pour commencer notre petit périple. Quatre jours pour rejoindre les plages, de campings en campings. Les collines normandes ont montré leurs pentes.
En juillet, à l’intérieur !
Le couple de chardonnerets qui égaye le regard ne nous voit pas. Comme nous ignore le rouge queue à tête noire, ainsi que fait le couple de rouges-gorges. Les pinsons, les moineaux, les merles, les tourterelles et les hirondelles : voilà la population ailée qui s’ébat derrière les vitres de la fenêtre close.
Close en juillet !
La marche vive de la bergeronnette nous manque. Pourtant, à moins de cinq cents mètres, sur la route qui mène au supermarché, j’en vois une qui arpente son territoire bitumé à chacun de mes ravitaillements. Mais ici, point de bergeronnette.
La moisson, les foins ont pris du retard.
Et en dépit de cette météo maussade, le pâle narrateur a pris un coup de soleil sur le crâne. C’est que, même rare et souvent occulté par la masse nuageuse, le soleil en son zénith à 14 heures, reste un soleil de juillet.
Lundi, une fois avalé le demi-litre de tisane de thé, le rouge-narrateur avait boudé son chapeau :
– “Non, reste ici ! Tu garderas la maison. Si un intrus s’immisçait à l’intérieur? Tu ferais un rapport. Veux-tu ?”
Qui ne dit mot consent. Je l’avais laissé au pied de l’escalier.
Deux heures sous le ciel mitigé ont suffi à colorer mon chef non couvert. Me voilà la peau couleur cuisse de nymphe plus qu’émue.
Froncer les sourcils me rappelle ma sottise.
Eh, bien ! Ne fronce pas les sourcils ! Le chardonneret lui aussi arbore un toupet rouge. Il n’en pond pas une chronique, lui !
L'image n'est pas de moi, je l'ai empruntée sur la toile pour bien visualiser l'animal !