Thé CLXXIX
Si je faisais les choses à moitié, durerais-je deux fois plus longtemps ?
J’essaie.
J’ouvre un œil !
Je sors un pied du lit.
Je me brosse une dent sur deux.
Je prends une demi-douche.
Je descends l’escalier et m’arrête entre la huitième et la neuvième marche.
Bien avancé !
Et maintenant ? Je saute et me romps le cou ?
Non, je vais ne faire qu’une chose sur deux.
J’ouvre les deux yeux.
Je reste au lit !
Zut raté !
Je prends l’ordre inverse.
Je bondis hors du lit.
Je n’ouvre pas les yeux !
C’est jouable !
Je me brosse les dents.
La douche, les jours pairs !
C’est jouable !
Je descends l’escalier.
Je ne fais pas chauffer l’eau !
Raté.
Je ne vais pas me passer du thé matutinal.
Je recommence.
Saute du lit !
Ferme les yeux !
Oublie les dents !
Abandonne la douche !
L’escalier !
Le thé !
Ne pars pas au boulot !
Alors pourquoi tout ça ?
Je reprends :
Reste au lit !
Ne se lave pas !
Ne déjeune pas !
Et le billet du matin ?
Ah ! Le billet du matin !
Il faut donc se lever et ouvrir les yeux puis écrire, donc allumer la machine et s’asseoir.
Je renonce à ne faire qu’une chose sur deux !
Nonjevaisfairedeséconomiesdéjàsupprimerlesespacesdansmafrappe
jegagneainsiquelquescaractèresmaissuisjetoujourslisible?
Non, pas trop ! C’est une économie de bouts de chandelles.
t s j spprms ls vlls d ms txts rstrs-j lsbl ?*
Non, je perds du temps car je dois recommencer pour être suivi.
* Et si je supprimais les voyelles de mes textes resterais-je lisible ?
Les consonnes ? Inutile d’y penser. Tout comme n'écrire qu'un mot sur deux ou couper chacun d'eux en deux. Non !
Mais à quoi suis-je en train de jouer, ce vendredi ?
Je voulais gagner du temps et voilà que 6 h 01 s’approchent.
Je n’ai rien à mettre sous presse.
Quoi ?
Pas de billet le 29 juin ?
Eh ? Non !
Pour une fois, espérons qu’avec le soleil retrouvé personne ne remarquera rien.
Il va faire si bon dehors, qui aura le cœur à s’enfermer pour lire les élucubrations d’un aïeul — qu’y en certaines qui croivent même pas qu’il est si vieux qu’il veut le faire accroire — à la recherche d’une bouffée d’air ?