Thé CLXI
Une partie de la nuit a été consacrée à l’élaboration d’un plan de lutte contre les méligèthes.
Et au réveil, voici les grandes lignes de la prochaine campagne : Il suffirait de convaincre la population masculine que la consommation des petits coléoptères assurerait une vigueur sexuelle absolument hors normes.
On se souvient que la cantharide officinale (c’est un coléoptère également, cette bébête) valut quelques ennuis au marquis de Sade ; mais la science a progressé et on peut imaginer qu’elle saura déterminer la posologie adéquate.
Donc, l’annonce que, réduites en poudre, les sombres méligèthes, outre la faculté d’aromatiser les tisanes matutinales, décupleraient les capacités copulatoires des mâles sapiens sapiens, jetterait dans les prairies une horde d’apothicaires en herbe ayant flairé le juteux profit.
Suis-je clair ?
Saupoudrer son thé de méligèthes en poudre fait bander comme un cerf ! Voilà le message à faire passer si l’on veut retrouver la paix en nos jardins.
Hier, dimanche, au cours de la longue permanence au bureau de vote (40 % d’abstention chez nous, comme ailleurs) les conversations roulaient autour de la présence des “petites bêtes du colza”.
Voici quelques années, l’annonce fortuite, à la radio, qu’un champ de chanvre avait été localisé —en Seine-et-Marne, me semble-t-il —avait vidé les squats parisiens ; le champ, au petit matin, était réduit à l’état de désert. Les journalistes eurent beau répéter que cette variété ne contenait aucun principe stupéfiant, rien n’y fit. Les accros fumèrent de l’herbe cette saison-là !
Pour les méligèthes, la rumeur est lancée. J’ouvre mon jardin à qui veut repeupler la Terre.
Je vais, de ce pas, goûter l’animal, histoire, quand même, de vérifier si le thé s’accommode de l’ingrédient que mon sommeil vient d’enfanter. L’histoire est remplie de ces chercheurs cobayes qui payèrent de leur personne afin de valider leurs hypothèses.
Bon, j’entends déjà celle qui regrette l’époque où le Papistache rêvait qu’il nouait ses lacets !