Thé LXXXVII
Ah ! J’aime les réveils triomphants !
- Debout, Délicate-Compagne ! Les nuages moutonnent et le ciel bleu crève de partout la cotonneuse enveloppe. JE T’OFFRE LE CIEL.
- Il ne t’appartient pas !
- Fidèle-Amie-Jamais-Lasse ! Je le vole pour toi ! Debout ! A l’est, le soleil colore la frange des toisons. JE T’OFFRE LE SOLEIL.
- Il ne t’appartient pas !
- Amour-Alité, je le vole pour toi ! Entends roucouler les tourterelles. J’en vois sept, quatre haut perchées, trois les ailes écartées. JE T’OFFRE CES OISEAUX !
- Ne va pas rompre l’harmonie du jardin !
- Aimée-Menue-Si-Repliée, pose un pied au sol et je leur rends l’usage de leurs plumes ! Viens voir ! le merle en habit noir sautille sur l’herbe humide. Son bec est du même jaune que les murs de la maison. Il a enfilé son collant noir, quelle jambe fine ! Vois comme il dansotte ! Quelle sveltesse ! Son œil est caché mais je le devine, il cligne vers toi ! JE T’OFFRE SON IVRESSE !
- Pense à la merlette, plus qu’assise sur sa couvée. Veux-tu la priver de son époux aimant ?
- Sens le parfum des jacinthes qui monte à la fenêtre. C’est une palette olfactive rare qu’exhalent les fleurs ce matin. JE T’OFFRE LES FLEURS QUI EMBAUMENT.
- C’est un spectacle dont je jouis tous les matins. Laisse-les en place que nous en profitions encore longtemps.
- Alors, je vais tirer la lourde poterie aux narcisses sous la fenêtre, que les délicats effluves se lancent à l’assaut de tes narines ensevelies sous la couette. Oh ! Bonne journée ! Déjà levée de si bonne heure ! Comment vous portez-vous...
- A qui t’adresses-tu donc ainsi ?
- Madame Yvonne petitpatte vers la boulangerie, son cabas vert écossais au bras. Elle a revêtu son pardessus canari...
- Madame Yvonne ? Mais tu aurais pu au moins revêtir un pyjama !
- Oh ! Que j’offre un matin triomphant à Madame Yvonne !
- Prétentieux ! Allez, fais chauffer la bouilloire !