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365 chroniques ridées depuis un bol de thé amer
22 mars 2007

Thé LXXXI

Je suis mort cette nuit !

Se réveiller mort, c’est la première fois que cela m’arrive ! Et pour cause ! Dans la famille, on ne meurt qu’une fois chacun !

Le purgatoire est blanc et aseptisé. Je ne suis pas le premier. La queue est impressionnante.
Que des vieux ! Je ne dois pas dénoter dans le lot !

Aucun miroir.
        Pas de pendule.
                Je ne sais donc pas l’heure qu’il est.
                    Il fait jour !

Des chaises ? Toutes occupées. Huit. Nous sommes sept debout.
Les anges (je les avais imaginés plus sexy) s’affairent lentement (nous avons désormais le temps).
Pas un mot.
        Silence de cathédrale.
                Tous ces gens sont morts fatigués, ils paraissent malades.
                        A quoi ressemble donc ma tête ?

Les anges continuent à se mouvoir au ralenti.
        On attend.
            Le purgatoire est bien chauffé et pas de porte-manteaux où déposer ma vareuse.
                Personne ne quitte la sienne d’ailleurs.
                    Je me conforme aux usages du lieu.
                           Mais  j’ai chaud.
                            Enfin, un ange, la bonne cinquantaine, des joues tombantes appelle Mme Buvard.
Une fois.

- "Madame Buvard n’est pas là ? Elle avait rendez-vous pourtant ?"

Les bras m'en tombent, y’en a qui prennent rendez-vous ?

- "Bon, je prends le premier de la file. Madame ?
- Oui, c’est pour une prise de sang.
- Carte d’assuré social, carte de mutuelle, carte de groupe sanguin, merci."

Ce n’est pas mon jour, retour sur terre.

Fragile-Epouse m’a délégué pour confier au laboratoire d’analyses médicales certain flacon à expertiser.
Grenouille, une collègue de travail m’avait déjà conté la joyeuse ambiance et la fébrile efficacité de ce laboratoire.

Voyons si elle se confirme.

J’ai attendu vingt-cinq minutes  pour déposer l’objet qui se réchauffait lentement au fond de ma poche (c'est là que j'ai retrouvé ma montre) et seul un vieux monsieur courbé a pénétré dans la salle dévolue aux prises de sang. Il en est même ressorti, pas plus redressé que cela d‘ailleurs.

Après que j’ai réalisé que je n’étais pas décédé, cinq malades supplémentaires sont entrés.

- "Allez vous asseoir, on vous appellera !"

Y’a plus de chaises disponibles ! Peu importe, dociles, les malades se tassent ; la température augmente. Ils doivent avoir de la fièvre !

Tous les patients étant âgés, aucun d’eux n’a d’obligation professionnelle. Mais, moi, je ne suis pas encore retraité. Je demanderai à Fragile-Epouse de me rédiger un mot d’excuse.

Preuve supplémentaire, si j’en avais encore besoin, que je ne suis pas définitivement passé de l’autre côté, mon ventre gargouille. C’est que je suis venu à jeun ! J’escomptais bien boire mon thé avec Fragile-Epouse dès mon retour mais peut-être sera-t-il déjà l’heure des noix de cajou grillées ?

J’apprends par cœur tous les écrits qui couvrent les murs.

A GAUCHE AVEC RENDEZ-VOUS.
A DROITE SANS RENDEZ-VOUS.

Le mérite est mince. Cela suffit à la mémoire des grands malades qui patientent ici.

Un horde d’anges passe (lentement).

Enfin, c’est mon tour. Mon ange est plus jeune. Brune. J’ai déjà appris :
    qu’elle n’aimait pas conduire sous la neige ;
    qu’elle avait crevé vendredi dernier ;
    que son imprimante ne fonctionnait plus ;
    qu’il y avait longtemps qu’on n’avait pas vu Mme Buvard ;
    que “Ah! Non, madame, y’a que votre mari sur la carte de la mutuelle ! Ça va pas être possible !”
    que son mari aime bien “La nouvelle star”
    que “Ben, tu vois, le mercredi je pense déjà au week-end.”
    que "Ah, non, monsieur votre carte de groupe sanguin n'est plus valable !"
    que "Combien vous avez dit que vous pesiez ? Quatre-vingt-cinq ? Merci Madame !"

Et curieusement, souci de confidentialité hautement déontologique oblige, elle s’adresse à moi en chuchotant.

- Mioummmm mioummmmmioummm ?
- Pardon ?
- Monsieur, votre nom s’il vous plaît !
- Ah ! Je m’appelle Xxx.
- Mioummmm mioummmmmioummm ?
- Excusez-moi ?
- Vous habitez 3 rue Xxx ?
- Tout à fait !
- Mioummmm mioummmmmioummm ?
- Je n’ai pas bien compris !
- Votre téléphone est le XX XX XX XX XX ?
- Oui, madame, c’est exact !
- Mioummmm mioummmmmioummm ?
- Pourriez-vous parler plus fort, je vous fais répéter à chaque fois !
- C’est pour quoi ?
- Voici l’ordonnance, la carte d’assurée de mon épouse et le flacon.
- Mioummmm mioummmmmioummm ?
- Je suis désolé... ?
- Mettez-le vous-même dans ce sac !
- Bien sûr, bien sûr !
- Mioummmm mioummmmmioummm ?
- C’est à dire ?
- Les résultats ? On vous les envoie ou vous venez les chercher ?
- On s’amuse tellement chez vous. Je viendrai les reprendre.
- ... !

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Commentaires
T
çui là ..je ne l'avais pas encore lu.... <br /> heureusement que je ne l'ai pas loupé.... il vaut son pesant de mioumioumiou....:-D
L
Froid dans le dos...
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