Thé CCCLVI
Vendredi panne de réveil ?
Non,
les occupants de la cabane yellow se lèvent tôt même en l’absence de signal sonore.
Un sixième sens !
Alors ?
Retour en arrière. Nous sommes vendredi 21 décembre 2007.
Vendredi imminence d’un départ hâtif !
Urgence dans l’air ! Non négociable !
Billet à poster pour l’heure phare ?
Mission vite réalisée.
Le texte étant court, il avait été longuement poli, à la main, la veille au soir.
Les paupières étaient lourdes et le dos voûté, mais les haïku — on ne reviendra pas sur le pluriel de ce mot étranger — ne se cuisinent pas sur le pouce.
Dix-sept marches plus bas demeurait l’énigme matutinale.
— "Chérie ? — déjà la dénomination éculée annonçait la catastrophe — nous avons oublié d’acheter du pain, hier soir, et il est trop tôt pour courir à la boulangerie !"
Pas un gramme de farine à la maison :
ni pain,
ni biscottes,
ni galettes,
ni biscuits,
ni gâteaux,
ni gressins,
ni crackers,
ni crêpes,
ni gaufres,
ni céréales,
ni pan cakes ( sans œufs ni farine, dites-nous un peu),
rien.
Comment préparer un thé digne de ce nom sans farine ?
Il restait bien quelques boulettes de graisse animale garnies de graines variées mais... les oiseaux, par ce froid, ne souffrent pas de concurrence.
Jamais la maison ne fut si démunie. D’ordinaire, rôdent bien quelques emballages cachant de gourmandes friandises.
Ce matin-là,
rien.
Les étagères vides, vides, vides.
Alors, juste un demi-litre d’eau tiède citronnée avant d’ affronter une froide journée plus longue qu’à l’accoutumée.
Une pomme ?
Même pas ! Plus un seul fruit, sinon la grosse citrouille qui se gèle les côtes au garage !
Une orange ?
Plus un fruit !
Un yaourt ?
Le réfrigérateur sonne creux. "Oh-oh ! Du monde ?"
....ooonde !
Un reste de soupe?
...ooonde !
Du fromage ?
...ooonde !
Nous faudra-t-il manger les lacets de nos pauvres chaussures ingénues ?
Couper en menus morceaux les ceintures de nos pantalons éberlués ?
Manger la confiture à la cuillère ?
Passe encore en se cachant quand l’autre s’affaire à dix mètres plus à l’est —la cuisine ne se peut plus à l’ouest — mais sous ses yeux ! Qui oserait ?
Ne manquerait plus que le thé fût épuisé. Pas de danger ! Les réserves sont conséquentes.
Finalement pour accompagner les haïku, le thé fut zen.
Deux bols, un litre d’eau, quatre grammes de thé.
N’envoyez pas vos dons à l’adresse indiquée !
Ce n’est pas le signe d’une indigence chronique, juste les conséquences d’une légère désorganisation des circuits de distribution entre les boutiques d’alimentation et nous.
Samedi, aujourd’hui, la mission du grand chauve agoraphobe sera de reconstituer les réserves, en sachant qu’il s’est engagé à recevoir plus de monde qu’il ne se compte de chaises en sa maison et le chiffon à poussières sait s’il s’en compte, des sièges à quatre pattes, en cet endroit !
Qu’importe, les provisions vont bientôt affluer et une petite diète préventive n’aura été que bénéfique avant...
— "Époux-Énurétique ! Qu’as-tu fait ? Tu viens de t’enfiler un bol entier de ta tisane diurétique alors que je souhaite que tu partes de suite réapprovisionner les placards !
— Eh quoi ? Me faudrait-il plus de deux heures* pour remplir un caddie ? Les paris sont ouverts !"
* cf. certaine aventure post-postale !
Peut-être éprouverez-vous
une petite satisfaction à lire
le commentaire de Fleurdebeurre
au thé qui précède celui-ci ?