Thé CCXXXV
J’ai perdu un ami.
Attendez, ça prête peut-être à confusion ?
Je ne veux pas plomber l’ambiance matutinale.
Disons :
"J’ai égaré un ami."
Enfin : “J’ai” n’est sûrement pas adéquat.
Si l’action avait été consciente,
je me souviendrais de l’endroit où l’ami a été égaré.
J’élimine :
“Un ami s’est égaré” ,
car le bougre en question n’est pas autonome.
Je devrais plutôt écrire :
“Un ami est égaré.”
Encore qu’”égaré“, venant de moi — ma réputation étant close — pourrait signifier qu’il est fada.
"Je ne retrouve plus un ami !"
Ah ! Non ! Vous faites fausse route.
Ce n’est pas une adresse courrielle mal rangée au fin fond des entrailles de la boîte à chaussures*.
* Boîte à chaussures ? Vous suivez ?
D’ailleurs, “un ami” n’est pas le terme exact.
Un compagnon reflète mieux son rôle.
Pas un confesseur, ni un confident !
Plutôt un conseiller, un guide.
"Un de mes mentors se révèle introuvable."
Se révèle introuvable ! C’est bien ça.
Cela montre que je le cherche.
Ben, oui ! Je ne reste pas les bras croisés.
J’ai retourné la maison sens dessus dessous.
Enfin, j’ai envisagé de retourner la maison.
Le regard d’Epouse-Epoussette m’en a dissuadé.
— "J’aurais mis la main dessus quand j’ai tout rangé au retour des vacances ."
C’est que la perte date.
Fourvoyé. Par quels chemins l’ai-je traîné qu’il n’en soit pas revenu ?
Débauché un ami. Sous quels ponts cuve-t-il ses excès ?
Sensible, il aura flairé que je lui serai infidèle. Il se cache.
Absolument.
"Mon gourou se dissimule."
"Un gourou à moi se dérobe."
"Courroucé, un mien gourou se dérobe."
J’aurais commencé ce billet ainsi : “Un mien gourou s’dérobe”, vous auriez zappé illico sans comprendre que ce livre auquel je tiens tant et qu’Epouse-Ravie m’offrit, voici tantôt... déjà ?, demeure introuvable.
Pourquoi celui-ci quand j’en possède tant d’autres ?
Parce que c’est lui, parce que c’est moi !
Parce que, dans son titre, brillent le mot “or” et le mot “mot”.
Oh mon mentor, sans mentir, les mots or et mot me manquent.
"J’ai perdu un ami !"