Thé CXI
A pas de loup, je me suis éclipsé de l'appartement où dormait encore Petit-D'Homme et ses parents.
Ici, c'est la ville.
Sa circulation.
Ses odeurs.
Son manque d'hygiène.
Pourtant !
Les rues sont remplies de pétales roses arrachés aux cerisiers et aux prunus.
Le vent a accumulé des congères végétaux.
Le tapis est si épais qu'on pense fouler une moquette.
C'est que j'ai quitté le trottoir pour marcher dans le caniveau.
Quel silencieux corso fleuri s'est-il déroulé cette nuit ?
Comme ces enfants matinaux qui se rendent à l'école, je marche sur la bordure de pierre.
Enfant, très classiquement, j'ai cheminé par des sentiers muletiers surplombant un abîme redoutable.
Qu'en est-il pour ces écoliers du jour ?
Beaucoup sont accompagnés. Les uns donnent volontiers la main. D'autres marchent deux pas derrière l'adulte qui presse le pas. Ceux-là, gambadent quinze mètres devant. Les parents des petits portent le cartable à la main. Les plus grands, tels des randonneurs, marchent ou courent le sac au dos. Tiens celle-ci traîne une valise dont le bruit des roulettes emplit la rue. Quel train compte-t-elle attraper ?
Cette éphémère rivière de pétales encore frais et vifs, suis-je le seul ce matin à la voir ?
A moins que ces caniveaux citadins ne charrient chaque jour un flot renouvelé. Aujourd'hui pétales. Hier billets de banque. Demain soupe à l'oignon. L'indifférence générale s'expliquerait donc par la variété et l'abondance.
La police municipale ne va-t-elle pas me conduire au poste ?
– "Brrrigadier ! L'individu opérrrait une louche prrrogresion en dirrrection de l'école. Son comporrtement nous a parrru suspect. Il sourrriait en rrregarrrdant les enfants qui se rrrendaient en classe ce samedi matin. De plus, il trrraînait des pieds dans le caniveau et il ne porrrtait pas de carrrtable."
Indifférence ! Indifférence !
Je regagne le mitan du trottoir. On doit bien trouver un boulanger ouvert à cette heure ?