Thé CIV
J’appuie tout doucement sur les touches du clavier.
Pour remplacer la chaleur que tu me prêtes, Bouillante-Epouse, happé par la magie de la correspondance courrielle, j’ai fait chauffer le coussin aux noyaux de cerise et je l’ai glissé sous la couette. Il va diffuser sa chaleur le temps que j’inonde la planète de ma prose matutinale.
Je descendrai l’escalier à pas de loup pelé (ce sont les plus discrets !) et poussant la porte du bout de l’ongle je ferai bondir quelques ions électriques pour chauffer au ralenti la juste et nécessaire quantité d’eau destinée aux deux bols matutinaux de breuvage revigorant.
Quand l’eau, précédée de son nuage de vapeur, émettra son chuchotis caractéristique, j’interromprai le flux des atomes nucléaires pour ne pas solliciter le sifflet, pourtant décédé depuis longtemps, de la bouilloire bouillonnante.
Sur le plateau, aux anses fort génialement disposées de chaque côté dudit objet, j’aurai disposé la veille au soir tous les ustensiles indispensables à la cérémonie anniversaire.
Tu vois, je n’ai pas oublié !
Je gravirai à rebours les dix-sept marches en hélix et d’un orteil rendu prudent par la solennité de la mission entreprise, j’effleurerai le parquet si ciré (si, si !) et l’odeur citronnée du remède envahira l’atmosphère reposée de la pièce endormie.
Alors, continuant à feindre le sommeil et te refusant à penser : “Dieu, qu’il fut long, j’ai pensé mourir dans cette étuve !” tu mimeras la surprise.
Rose aux joues, tu repousseras la couette calorique et nous prendrons, au lit, un petit déjeuner ordinaire rendu si particulier par cette conjonction annuelle du 14 et du 4 qui borde de velours les 365 prochains jours qui s’offrent à nous.
Le reste de la journée n’appartient pas à cette chronique matutinale.