Thé LXXVI
Les phares de la voiture éclairent le pêcher.
Le ciel est noir ; des étoiles y brillent.
Il gèlera de nouveau à 6 h 01.
- “Rentre, tu vas prendre froid !”
Les mots des pauvres gens.
Déjà tant de fleurs aux branches.
S'il gelait trop sévèrement, la récolte serait compromise.
- “Enfile au moins un vêtement plus chaud, si tu te décides à passer la nuit dehors !”
Je me repais de la contemplation des pétales rosés sur le fond d‘encre. Rose et noir. Comme des millions de spermatozoïdes, le pêcher lâche ses fleurs. Mission : assurer la reproduction. Malin, le général ne lance pas toutes ses troupes en même temps. Si le froid ne vient pas, les éclaireurs assureront une fructification précoce. Dans le cas contraire, les lambins, les retardataires, les traîne-savates donneront une seconde chance à l’arbre prévoyant.
- “Je t’ai servi une verveine. Veux-tu que je te l’apporte au pied du tronc ?
- Avec une cuillerée de miel des montagnes ?
- Avec !”
Guetter l'apparition de la gelée n'arrêtera pas ses dégâts. Je rentre. Je reviendrai dans quelques heures. Si le vent d’ouest se décidait à apporter la pluie, les boutons précoces auraient remporté leur pari.
Rendez-vous au lever du soleil pour mesurer les qualités de stratège du vieil arbre au tronc si tourmenté.
La nuit sera courte, mais la verveine (elle a poussé au jardin !) favorise l’endormissement et donne une haleine fraîche.
Bonne chance !