Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
365 chroniques ridées depuis un bol de thé amer
12 mars 2007

Thé LXXI

La nuit fut claire.
                La gelée blanche couvre les toits.
                                   L’air vif entre dans la chambre.
                                                  Les deux vantaux de la fenêtre grands ouverts laissent pénétrer la fraîche.

Quand la bouilloire sifflera, penser à refermer !
                L’aube aura renouvelé l’air de la chambre des centenaires.

Centenaires, car Juvénile-Epouse et moi avons mutualisé nos anniversaires depuis fort longtemps.
                Lundi, retour aux  pratiques rituelles du matin. Matin serein.


- “Juvénile-Epouse, ton bol est prêt ! Infusion maîtrisée, pas plus de deux minutes !
Deux grammes de thé noir, larmes du citron pressé, tartines grillées et confiture maison.
- Oh ! oui ! Reste-t-il de la confiture de pêches aux amandes ?

Le plus que demi-centenaire déplie son interminable squelette voûté et entreprend la longue marche vers le confiturier de bois clair. Les provisions s’amenuisent. Nous sommes en mars ! Sous notre latitude, les pêches ne mûrissent que fin septembre ! Les réserves ont toutefois permis six mois de consommation  régulière, sans compter les pots enfouis au fond des sacs des voyageuses sur le départ.

Allons, que je trouve ce pot si bien étiqueté ! Mûres... Groseilles... Pêches aux cerneaux de noix... (les préférées de Grisette ?) Pêches aux pignons de pins... Pêches aux amandes... Pêches aux amandes !

- Oui, Juvénile-Epouse, je vois un pot qui correspond à tes vœux. C’est le dernier, je crois. Il va être fêté  !
- Plaf !

Ne tergiversons pas.
        Pas de faux-fuyant.
               Droit au but.
                    Le pot est tombé. 
                        Il gît, explosé à mes pieds et je le contemple, interdit.
                            Le couvercle enserre toujours le col du pot.

Trou noir.
         Je l’ai vu sur l’étagère.
                Je le vois gisant à terre.
                    Ma main n’a pas même pas gardé le souvenir de l’avoir, ni saisi, ni touché, ni effleuré, ni...

Je jurerais qu’il a bondi vers moi, déluré, fringant, audacieux. Il aura anticipé mon geste et se sera projeté à ma rencontre. Le rendez-vous n’a pas eu lieu.

Autrefois, hier, du temps où mes articulations n’existaient pas, à l’époque où mes muscles dirigeaient le monde, je pouvais lancer l’osselet blanc à la perpendiculaire, cueillir  ses quatre frères de couleur et le reprendre au vol sans coup férir.

Aujourd’hui, un récipient large comme ma main, bondit de trente centimètres et je ne puis le réceptionner.

C’était le dernier !

Je jette un nouveau regard vers le sol qui a arrêté sa chute.
        Plus rien !

Le pavé de l’arrière-cuisine brille comme s’il venait d’être toiletté.

- “Viens déjeuner. les aiguilles tournent. Il va nous falloir partir et puis, tu sais, j’aime aussi beaucoup la confiture de mûres !”

Publicité
Publicité
Commentaires
365 chroniques ridées depuis un bol de thé amer
Publicité
Archives
Derniers commentaires
365 chroniques ridées depuis un bol de thé amer
Publicité