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365 chroniques ridées depuis un bol de thé amer
8 mars 2007

Thé LXVII

La peinture est accomplie.
                    Le peintre est achevé.chat

Le stylobate est terminé.
                    L’artiste est rompu.

Restent quelques finitions pour ce jeudi matin.
                    Cirer les éléments enduits.

Oisive-Épouse (c’est son surnom préféré, alors je déroge à la règle et j’en use une seconde fois !) tient absolument à s’en charger.

Ce matin, donc, j’ouvre les volets et je scrute le ciel.
                    Opération jardinage !

Je vais pouvoir de nouveau enfouir mes doigts dans la terre. Une communion s’opère toujours quand je manipule la moelle du jardin. Ma peau va s’assécher, certes, mais quelle jouissance profonde va naître quand je vais rentrer, le dos contracté, les mains sales et écorchées et le visage empourpré par l’air vif de cet fin d’hiver.

Lentement tourner ses mains, l’une dans l’autre,  après avoir cueilli une grasse cuillerée de savon noir pâteux. Éprouver toutes les douleurs que ces gestes réveillent. Regarder mousser la crème qui se colore d’écume terreuse. Plonger les mains, au-delà des poignets, dans l’eau très chaude.

Recommencer la liturgique opération avec une nouvelle dose de savon. Rincer sous un filet d’eau froide ces mains meurtries, les voir si roses et si propres, fleurant bon l’antique odeur, est un bonheur sans cesse renouvelé.

Mains meurtries, car le jardin agresse et que je n’aime pas les protéger. J’ai déjà dit les épines des rosiers. J’avais tu les rares ronces arrachées avec effort. J’avais gardé sous silence les chocs, les éraflures avec les corps minéraux du jardin : silex, bordures et autres cailloux embusqués.

Là où d’autres jardiniers arborent des mains-outils au cuir épais et insensible, j’offre en pâture aux éléments naturels une peau délicate de scribouillard anémié et j’en tire des délices répétés.

Je garde profondément vivant le souvenir de l’image qui s’est formée en moi à la lecture de ce livre de Jean Giono, où un paysan, Panturle, cueille de ses mains éclopées son blé, celui qu’il a semé, surveillé, fauché, battu et ensaché avant de le mener au marché.

- “Il est beau ton blé, d’où vient-il ?”

Atavisme de paysan. Combien de générations d’ouvriers agricoles m’accompagnent-elles quand je mêle mes écorchures à la glèbe ?

Posé sur la souche du sapin, le bol de thé que j’y ai déposé encore chaud, me rappelle à son souvenir.

Il est froid, certes, mais tout à l’heure je supperai son frère, engourdi sur un fauteuil prévenant, les mains endolories et l’âme ravie.

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Commentaires
F
que d'émotions en lisant cela, cela me rappelle quarante ans en arrière!
C
.........trés poétique , et crée l'envie de retourner au jardin ......
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