Thé XV

Thé seul. T'es tout seul, ce matin.

Petit'ouvrière t'a devancé. Elle a terminé.

Gosier blindé à l'épreuve de la lave, inactive, elle piaffe dans le box de départ.

- "Tentant, ton thé t'attend, mon grand."

Inhabituel rituel, mon bol est plein. Plus qu'à se glisser sur la chaise.

Thé servi ! Pourvu qu'il ne soit pas trop cuit ! A 100 degrés, les feuilles délicates du camellia sinensis cuisent. Faut pas faire cuire le thé !

Et si Petit'ouvrière avait trop hâté l'infusion ?

Vaines craintes.

- "T'étais pas prêt. Ton thé est prêt. Fallait t'presser. Citron ?

- Pas ce matin, merci !"

Thé nature, réveille ta tête de plomb ! Martel en tête. Tourbillon. Acre odeur. Lancinants tiraillements dans la gorge. La fête foraine bat son plein. Bobo ! Le manège emporte le bambin dans sa rotation, maelström matinal. Le pompon baigne dans l'océan cuivré qui tourbillonne au rythme de la fanfare municipale. Il attrape le pompon. Toujours tenté, jamais gagnant. Aujourd'hui, bingo ! A deux mains, il l'a le pompon.

- "Maman ! Regarde ! Ton fils a attrapé le polichinelle !"

Pétards ! Pétards en cascade. Pistolet à bouchons. Pétarade. Triture un bouchon abandonné.

Explosion. Main interdite. Le manège tourne. Mon cœur le double.

Monter ; descendre. Monter ; descendre.

Des cendres dans la main, main noircie. Odeur âcre.

La douleur paresse, sûre d'elle ;  elle musarde ; elle sait qu'elle sera là pour longtemps. Même pas mal !

Ce matin, le village est en liesse. La pharmacie est fermée. Fallait pas gratter le bouchon de l'ongle. Pas dire la vérité.

-"Bouchon a explosé tout seul.

- Vous vous rendez compte, ma bonne dame!"

Jamais remonté sur un manège. Jamais plus attrapé le pompon.

Mais alors, dans ma main qui brûle...  ? Deux grammes tout mouillés pas plus.

- "Beh ! Mon chéri ! tu as renversé ton bol ? Quelle idée d'essorer le sachet à pleine main ? L'eau était bouillante !

- Bouillante ! Je le craignais. Le thé était trop cuit ! Mimour, de toi à moi, peut-on recommencer la journée ? Il me reste un ticket."