Thé LXXXIX
à Possomettte, première lectrice spontanée de ce bloc-notes et la plus assidue
Interdit, je contemple la plaque électrique.
Combien ?
Quinze ans ?
Vingt ans ?
Noces de porcelaine !
Et le matin, j’utilise toujours le même feu.
Face à moi, sur la gauche.
Interdit, j’hésite ! Vais-je commettre une infidélité ?
Pour cuisiner, les quatre “feux” sont sollicités.
Usage classique.
Mais la bouilloire est chatte.
Elle a choisi sa place.
Pas question de lui en imposer une autre.
Va donc encore pour la résistance de gauche face à moi.
Je songe. Les mains posées à plat sur le dôme de l’ustensile, je mesure la progression de la chaleur. Ça vient, tout doucement. J’ai le temps. Un peu. Ce qu’il faut ! Noces-De-Velours se pare.
Du temps où nous cuisinions au gaz, la bonne vieille bonhomme grise si lourde à charrier, régnait une autre bouilloire.
Jetée ?
Ah non !
Elle trône au garage sur une étagère poussiéreuse.
Une année, une souris y fit sa portée.
Elle n’était pas chatte celle-ci !
Et la si belle au design italien, conique, munie d’un couvercle si petit, si trognon ?
Perdue ?
Non, mal soudée ou malmenée elle a fini par fuire.
Mais nous l’avons rattrapée et elle attend une réhabilitation.
- “Casseroles à rétamer ! Casseroles à réparer !”
Ce petit métier réapparaîtra bien un jour ! L’acier inoxydable patiente ! Nous aussi !
Oh, la superbe que nous avons offerte à Rosette de retour de Florence. Mais elle appartient à Rosette, qui la sort à chacune de nos visites. Elle non plus n’est pas chatte, plutôt bijou !
Allez que je sorte les bols. Noces-De-Velours arrive à pas du même métal.
Je lui applique mes mains sur les joues.
- “Comme elles sont chaudes ! Prends-moi dans tes bras !
- Dis, combien de jours nous séparent encore de notre anniversaire de ...
- Quatorze jours, cinq heures et trente minutes, pourquoi ?
- Pour te l’entendre dire !”